La Cour suprême et l'accord de coalition (article publié par le Times of Israel du 28 avril 2020)

Publié le par Philippe VELILLA

La Cour suprême et l’accord de coalition

« Choquant pour un juriste, parce qu’il contient de nombreuses monstruosités légales. Quelqu’un qui respecte les lois fondamentales, qui voit en elles un texte constitutionnel, ne peut pas apprécier cet accord. Les lois fondamentales y sont piétinées comme si elles étaient un vulgaire décret sur les eaux usées adopté par la municipalité de Raanana ». Cette appréciation de l’accord de coalition ne vient pas d’un extrémiste gauchiste mais d’Elyakim Rubinstein, ancien conseiller juridique du gouvernement et ancien vice-président de la Cour suprême, réputé plutôt pour sa modération. Il ne manque pas d’arguments. L’accord signé le 20 avril entre Binyamin Netanyahou et Benny Gantz modifie profondément l’équilibre institutionnel. Parmi les nombreuses remarques soulevées, on note une dualité de l’exécutif avec un Premier ministre et un Premier ministre « suppléant » ; l’empêchement de voter toute loi non liée au coronavirus pendant la période des six premiers mois du gouvernement dit d’urgence nationale et plus encore la fixation à 75 du nombre de voix nécessaires pour toute loi qui ne serait pas approuvée par l’autre partenaire ; la limitation de la durée du mandat de la Knesset à trois ans alors que la durée d’une législature est fixée à quatre ans … En fait, on le sait, tout l’accord de coalition vise à prévenir une mise hors-jeu de Binyamin Netanyahou … par une décision de la Cour suprême. D’où toute une série de stipulations visant à rendre automatique la dissolution de la Knesset en cas d’empêchement.  Les six associations ou partis qui ont saisi la Cour suprême ont encore soulevé bien des questions. On sait que l’une des principales critiques faites par la droite à l’ « interventionnisme » de la Cour suprême est qu’en annulant des lois elle limiterait les pouvoirs de la Knesset. Ironie du sort, ici, c’est la défense des pouvoirs du parlement qui est invoquée à l’appui des requêtes présentées. On se souvient aussi que ce sont ces stipulations qui ont été les plus disputées lors des négociations entre le Likoud et Bleu-Blanc. Ce dernier parti prétendait qu’en obtenant le poste de ministre de la Justice, il pourrait se porter garant de l’Etat de droit. La Cour de Justice dira ce qu’il en est au simple examen du texte de l’accord. En cas d’invalidation de mesures importantes d’un accord fait pour protéger Binyamin Netanyahou, paradoxalement, ce serait Benny Gantz qui serait le plus en difficulté. Il lui faudrait justifier toutes les concessions qu’il a faites et qui auraient été déclarée anticonstitutionnelles. Et pour lui, il n’y aurait pas de pire situation en cas de quatrièmes élections.

 

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