Menaces contre la démocratie israélienne (article publié dans la revue Diplomatie n° 81, juillet/août 2016)

Publié le par Philippe VELILLA

Menaces contre la démocratie israélienne (article publié dans la revue Diplomatie n° 81, juillet/août 2016)

Menaces contre la démocratie israélienne

Par Philippe Velilla, Docteur en droit, chargé d'enseignement à Paris 1.

Israël s’enorgueillit d’être la seule démocratie du Proche Orient et celle-ci est bien vivante[1]. Le gouvernement de Binyamin Netanyahou prend pourtant des initiatives qui vont toutes dans le même sens : restreindre les libertés. Mais ce populisme à l’israélienne, qui vise aussi les Arabes israéliens[2], se heurte à la résistance de personnalités et de larges segments de l’opinion publique.

Si l’on en croit Pierre Mendes-France, « la démocratie est d’abord un état d’esprit ». On pourrait en dire autant des offensives menées contre les libertés publiques, qui, depuis quelques années, occupent une part importante de l’agenda du gouvernement israélien et des partis qui le soutiennent. De façon très significative, cette orientation est d’abord dirigée contre un système judiciaire qui serait trop puissant.

Une justice trop puissante ?

La Cour suprême israélienne est l’une des plus puissantes au monde. Elle exerce deux missions correspondant aux deux institutions servies par les quinze juges qui la composent. Elle est la fois la Cour d’appel la plus élevée du pays et la Haute cour de justice que tout citoyen peut saisir à propos de décisions gouvernementales qu’elle peut modifier ou infirmer. La Cour suprême exerce aussi un contrôle de constitutionnalité des lois. Forte de ces prérogatives, la Cour a ainsi pris des décisions retentissantes parmi lesquelles on peut citer la suspension de l’expulsion de 415 activistes du Hamas vers le Liban pendant la première Intifada (1992), le droit pour une famille arabe d’acheter des terres jusque-là réservées à des Juifs (2000), la rectification du tracé de la barrière de sécurité (le fameux mur qui entoure la Cisjordanie) à un endroit où il empiétait trop sur les terres d’un village palestinien (2010). Dans la période récente, les décisions de la Cour suprême relatives aux immigrés illégaux ont suscité l’ire de la droite israélienne : après avoir déclaré illégale la détention sans jugement pendant trois ans des étrangers illégaux (2013), la Cour a réduit cette période de 20 à 12 mois (2015), et ordonné la libération de ceux enfermés dans un centre de détention depuis plus d’un an. Dans ce domaine, les critiques adressées à la Cour suprême insistaient sur le fait que la concentration des immigrés illégaux – chez qui le taux de délinquance est élevé - dans les quartiers pauvres du sud de Tel Aviv provoque des tensions avec la population autochtone. En 2016, l’annulation par la Cour suprême d’une disposition de l’accord-cadre par lequel le gouvernement s’était engagé auprès des compagnies privées qui exploitent le gaz israélien au large de Haïfa à ne pas modifier la législation pendant dix ans, a été présentée par la droite comme une décision arbitraire portant atteinte à l’économie du pays et aux intérêts du consommateur.

La Cour, aux dires de ses détracteurs, serait indifférente au sort des plus défavorisés en raison de sa composition sociale : ses membres sont en effet pour beaucoup issus des classes favorisées habitant les quartiers huppés du nord de Tel-Aviv. Cette mise en cause recoupe une critique régulièrement faite à propos du système de sélection des juges, contre laquelle la ministre de la Justice du gouvernement issu des élections de 2015, Ayelet Shaked, entend agir.

Actuellement, la commission de nominations des juges, présidée par le ministre de la Justice, compte neuf membres : trois juges de la Cour suprême, deux membres du barreau d’Israël, deux députés de la Knesset (un de l’opposition et un de la coalition) et deux ministres. Une majorité de sept voix étant nécessaire pour nommer un juge, cela donne de facto aux trois membres de la Cour suprême un droit de veto sur toute nomination ... y compris sur la nomination de leurs futurs collègues au sein de l’institution ! Les projets de la ministre de la Justice, contre ce qui est présenté comme un système de cooptation pourrait se traduire par un élargissement de la composition de la commission à onze, voir à quinze membres.

La ministre de la justice entend aussi s’attaquer au contrôle de constitutionnalité des lois [3], en limitant le droit pour la Cour suprême d’annuler des dispositions législatives votées par la Knesset. Comme aux Etats-Unis et en France, en Israël, les décisions de la Cour suprême ont un caractère définitif. Il s’agirait donc d’octroyer à la Knesset le droit d’adopter des lois non conformes aux décisions de la Cour suprême, éventuellement en instituant une procédure de majorité qualifiée. La Knesset comptant 120 députés, un vote à la majorité absolue doit réunir 61 voix. Il s’agirait de prévoir une majorité spéciale de 70 voix, par exemple.

Des associations de défense des droits de l’Homme aux ordres de gouvernements étrangers ?

Les ONG israéliennes recevant des subventions de gouvernements étrangers devront dorénavant faire état de cette situation. Un projet de loi déposé à la Knesset par le gouvernement en 2016 oblige ces ONG à mentionner sur tous leurs documents publics qu’ils reçoivent la majorité de leurs fonds de gouvernements étrangers. Le projet initial prévoyait même de contraindre leurs représentants à porter un badge spécial lorsqu’ils viennent à la Knesset. Finalement cette disposition a été écartée. Il n’empêche. Avec cette initiative, le gouvernement entend lutter contre toute une série d’associations de défense des droits de l’Homme marquées à gauche. L’argument invoqué par le gouvernement est celui de la transparence : tout citoyen aurait le droit de savoir que telle ou telle association est soutenue par des puissances étrangères. En présentant le projet de loi, la ministre de la Justice a ainsi déclaré : « L'intervention flagrante, dans les affaires internes israéliennes, des gouvernements étrangers grâce à un financement, est sans précédent, largement répandue, et empiète sur les normes et les règles acceptées dans les relations entre les pays démocratiques ». Mais, en fait, la loi crée une discrimination entre les associations. Alors que les associations de droite sont financées pour l’essentiel par des dons de particuliers (fréquemment par de riches Juifs de la diaspora), les associations proches de la gauche sont très souvent subventionnées par des institutions étrangères. L’Union européenne apporte ainsi son soutien politique et financier à une dizaine d’associations israéliennes qui militent notamment en faveur de la défense des droits de l’Homme dans les territoires occupés. Les plus connues de ces associations sont Be ‘Tselem (centre d’information sur les droits de l’Homme dans les territoires occupés) et Chovrim Chtika (Breaking the silence, association d’anciens soldats israéliens dénonçant les abus commis par l’armée dans ces mêmes territoires).

L’Union européenne a du reste critiqué le projet de loi, comme plusieurs gouvernements étrangers. Des fonctionnaires allemands ont averti Binyamin Netanyahou que l'adoption de cette loi rendrait plus difficile la tâche des amis d’Israël qui en Allemagne luttent contre le boycott des produits de l’Etat juif. De ce fait, certains députés de la coalition, comme Michaël Oren (du parti Koulanou, centre-droit) ont fait connaître leur inquiétude : « Ce projet de loi sur les ONG est un projet qui pourrait nuire à l'image et aux relations diplomatiques d'Israël ». Mais pour les adversaires du gouvernement, la tâche n’est pas aisée. Des organisations comme Breaking the silence n’ont pas bonne presse dans l’opinion qui s’identifie à une armée fondée sur la conscription : si la dénonciation d’abus semble bien admise dans le pays (la presse exerce ce droit quotidiennement), la diffusion de ces témoignages à l’étranger est jugée par beaucoup de citoyens comme participant à la déligitimation d’Israël sur la scène internationale.

Des institutions culturelles trop autonomes ?

Les institutions culturelles et les artistes font désormais l’objet d’une surveillance toute particulière de la part de la ministre de la culture et des sports, Miri Reguev : les subventions accordées aux institutions culturelles et aux créateurs sont désormais soumises à des critères faisant la part belle à la raison d’Etat. Dès sa prise de fonction, Miri Reguev, a manifesté son intention de ne plus subventionner des institutions comme un théâtre arabe de Haïfa présentant une pièce relatant une journée dans la vie d’un prisonnier palestinien condamné à une peine de prison à perpétuité pour l’enlèvement et le meurtre d’un soldat israélien en 1984. La pièce s’était déjà vue retirer une subvention de la part du ministre de l’Education, Naftali Benet, chef du Parti d’extrême droite Ha Baït ha Yeoudi (Le Foyer Juif). Mais le procureur de l’Etat s’opposa à ce que la sanction financière soit étendue à toute l’activité du théâtre. La ministre de la Culture a aussi manifesté l’intention de réduire les subventions à la cinémathèque de Tel-Aviv, celle-ci organisant chaque année un festival consacré à la Nakba (« catastrophe » en arabe), c’est-à-dire aux conséquences de la création de l’Etat d’Israël pour la population arabe.

Miri Reguev, n’entend pas se limiter à des interventions au cas par cas. Elle a donc présenté un projet de loi intitulé « fidélisation dans la culture » (sic !) : seraient exclus de tout financement public les artistes et les institutions culturelles qui défigurent le drapeau ou d’autres symboles nationaux, incitent au racisme, à la violence ou au terrorisme. Toute l’habileté du gouvernement consiste à présenter comme naturelle la protection des intérêts du public face à la menace toujours présente de l’incitation au terrorisme et à la destruction de l’Etat. D’où l’insistance des gouvernants à présenter ces initiatives comme participant de la défense d’Israël comme Etat juif [4].

Une presse trop à gauche ?

Binyamin Netanyahou n’aime pas la presse qui le lui rend bien. Il a souvent exprimé les raisons de sa vindicte : la presse israélienne serait depuis toujours dominée par la gauche. Ce qui n’est pas tout à fait faux, mais de moins en moins vrai. Comme dans tous les pays du monde, en Israël, les études de journalisme attirent plus des jeunes de gauche, alors que d’autres formations (comme la gestion et la finance) sont davantage prisées par des jeunes de droite. De plus, la radio-télévision a longtemps été contrôlée par l’Etat, c’est-à-dire jusqu’en 1977 par le Parti travailliste. Les plus âgés des journalistes du service public audiovisuel sont donc, de notoriété publique, très souvent de gauche. Mais les choses ont commencé à changer depuis une ou deux décennies, avec l’entrée dans la profession de nouvelles générations plus marquées à droite, et appartenant notamment au camp national-religieux : désormais, sur les écrans, il n’est plus rare de voir un journaliste portant la kippa tricotée, signe de l’appartenance à ce courant de pensée. Mais pour Binyamin Netanyahou, les changements en la matière ne vont pas encore assez vite. Titulaire, en sus de sa charge de chef du gouvernement, du portefeuille de la communication, il a décidé de supprimer en 2016 l’autorité de radiodiffusion (l’équivalent de l’ex-ORTF) et de licencier ses 1 500 salariés. Un nouvel organisme devrait disposer de ressources humaines beaucoup plus limitées. Par ailleurs, afin de limiter l’audience des grandes chaînes de télévision qu’il considère comme hostiles à sa politique, il entend favoriser l’émergence de nouveaux concurrents, en autorisant la diffusion sur le territoire national de médias tournés jusqu’à présent vers l’étranger comme la chaîne francophone i24 News (dont les programmes sont en anglais, en arabe et en français).

En ce qui concerne la presse écrite, celle-ci dérange de moins en moins le gouvernement pour plusieurs raisons. D’abord, parce que, comme dans tous les pays du monde, face à la concurrence d’Internet, les grands journaux diffusés sur support papier (Haaretz, Maariv et Yediot Aharonot) sont de moins en moins lus. Ensuite, du fait qu’un journal gratuit largement distribué, Israel ha Yom, financé par le très à droite milliardaire juif américain Shelton Adelson, est totalement dévoué à la personne et à la politique du Premier ministre. Enfin, nombre de sites Internet, défendent la politique du gouvernement.

Des Arabes israéliens trop nationalistes ?

Binyamin Netanyahou, grand professionnel de la politique et de la communication, connaît parfaitement les motivations de ses électeurs. C’est notamment en jouant sur la fibre anti-arabe d’une bonne partie de ceux-ci qu’il a pu, à la surprise générale, être réélu en 2015 [5]. Il sait que sur ce terrain, il n’a pas grand-chose à craindre de la part d’une classe politique souvent mal à l’aise vis-à-vis des Arabes israéliens qui constituent 20 % de la population. Cette minorité dispose de tous les droits civils et politiques, et le principe d’égalité de tous les citoyens a été proclamé depuis la création de l’Etat. Plus encore, elle jouit d’une grande liberté religieuse : les Arabes chrétiens et musulmans d’Israël peuvent pratiquer leur religion sans crainte, situation qui présente un contraste saisissant avec celles de bon nombre de minorités religieuses dans la région (on songe notamment à la situation des Chrétiens d’Orient et à celle des Yezidis). On observe cependant qu’en termes d’égalité réelle (revenus, éducation etc.), il y a de grandes différences entre Juifs et Arabes. Ceci du fait de discriminations, notamment sur le marché de l’emploi, mais aussi en raison de caractéristiques culturelles de la communauté arabe (comme la faible participation des femmes au marché du travail). Les différences entre Arabes et Juifs ont du reste tendance à s’atténuer sur la longue période.

En matière politique le mal est plus profond : il n’est pas facile d’être Arabe israélien, d’abord parce qu’il n’est jamais facile de vivre dans un pays où l’on est minoritaire. Pour les Arabes israéliens, cette difficulté est renforcée par le conflit qui oppose leurs cousins de l’autre côté de la Ligne verte à la population majoritaire – les Juifs - du pays dont ils sont citoyens. De surcroît, les représentants politiques de la minorité arabe, les treize députés élus en 2015 à la Knesset sur la « liste unifiée » qui groupait les partis nationaliste, islamiste et communiste, adoptent parfois des positions extrémistes. Ainsi, les trois députés du parti Balad (acronyme en arabe de la Liste démocratique nationale) [6] se sont rendus en février 2016 auprès de familles palestiniennes de terroristes abattus alors qu’ils agressaient des citoyens israéliens pendant l’ « Intifada des couteaux ». Ils expliquèrent leur geste en déclarant qu’ils voulaient intervenir auprès des autorités israéliennes afin qu’elles rendent le corps des terroristes à leurs familles, mais eurent plus de mal à justifier le fait qu’ils respectèrent une minute de silence à la mémoire des agresseurs … Cette escapade leur valut d’être suspendus de leur mandat parlementaire pour quelque temps, la quasi-totalité des membres juifs de la Knesset refusant de les défendre. L’opposition travailliste alla même jusqu’à qualifier leur attitude d’« encouragement au terrorisme ».

Non content de cette décision, Binyamin Netanyahou proposa dans la foulée de pouvoir suspendre définitivement un député pour « comportement inapproprié ». Ce projet de loi ‘suspension’ permettrait d’écarter de la Knesset tout député justifiant le terrorisme, par exemple. Une telle décision devrait rassembler une majorité de 90 voix (soit trois quarts des députés). Cette fois-ci, l’opposition a vivement contesté le projet, soulignant que nul ne pouvait garantir qu’à l’avenir un tel pouvoir ne soit utilisé contre tout élu contestataire.

Le populisme contre la démocratie

Ces menaces contre la démocratie ne doivent rien au hasard. En Israël, comme aux Etats-Unis ou en Europe, le populisme dispose désormais d’un terreau fertile : une population traumatisée par les attentats et les menaces des mouvements islamistes. Pour les Israéliens, la crainte est d’autant plus vive que l’ennemi est présent à la frontière sud avec le Hamas qui contrôle Gaza, au nord avec le Hezbollah libanais, et à l’ouest avec des cellules de Daesh qui s’implantent en Cisjordanie. Le populisme pourrait même se doter d’une structure partisane. Non par la constitution de partis édifiés sur ce thème, comme en Europe, mais plutôt en suivant le modèle américain : les succès enregistrés par Donald Trump pendant les élections primaires aux Etats-Unis montrent que, désormais, le discours populiste peut prétendre à la conquête des partis de gouvernement. Binyamin Netanyahou, grand connaisseur et grand admirateur des Etats-Unis, aimerait bien disposer d’un parti représentant toute la droite, sur le modèle du Parti républicain. On prête d’ailleurs au chef du gouvernement le projet de faire fusionner les listes de candidats de son parti, le Likoud, parti de droite traditionnel, avec celles de Habaït ha Yehoudi qui, à la droite de la droite, développe un discours qui fait la part belle à la colonisation des territoires occupés, au monopole exercé par le judaïsme orthodoxe sur la vie religieuse, à la restriction de toute expression mettant en cause le caractère juif de l’Etat etc. De toute façon, le gouvernement le plus à droite de toute l’histoire d’Israël est déjà largement aligné sur ces thèses – une forme de pensée unique - et entend bien, on l’a vu, inscrire dans le droit israélien, toute une série de dispositions qui restreindraient la mise en cause de ses orientations.

Ce populisme à l’israélienne soulève de vives inquiétudes, et une opposition qui ne vient pas seulement de la gauche. Du reste celle-ci, qui ne compte plus que 29 députés sur 120, est de moins en moins écoutée. Au sein même de la coalition gouvernementale, des responsables politiques comme Moshé Kahlon, ministre de l’Economie et fondateur du parti Koulanou, ou le député Benny Begin, fils de l’ancien Premier ministre Menahem Begin, ne sont pas prêts à voter tous les projets du gouvernement. En dehors du Parlement, d’autres voix se font entendre comme celle du président de l’Etat, Reuven Rivlin, pourtant issu des rangs du Likoud, qui, à propos du projet de loi sur la ‘suspension’ des députés a tenu à déclarer que cette initiative reflétait « une compréhension problématique de la démocratie parlementaire … Pour eux, la démocratie n’est rien d’autre que la loi de la majorité ». Ce qui est une autre façon de dire ce que l’on sait depuis Montesquieu : la loi aussi peut être oppressive.

Au-delà des responsables politiques, beaucoup d’Israéliens n’entendent pas laisser le gouvernement porter atteinte aux libertés publiques, notamment lorsque les artistes sont en cause. Ainsi, alors que le ministre de l’Education décidait de retirer du programme des établissements scolaires la lecture d’un roman où figure une histoire d’amour entre un Palestinien et une Israélienne, Geder Haia (Haie) de Dorit Rabinyan , le public a réagi de façon très nette : en se précipitant chez les libraires pour acheter le livre incriminé. Plus encore, de vives protestations ont empêché une association de droite, Im Tirtsu (Si vous le voulez), de mener une campagne de dénonciation des opinions d’un certain nombre de célébrités de la culture israélienne en soulignant leurs liens avec des associations présentées comme subversives. Face à l’émotion soulevée par la mise en ligne des portraits de ces personnalités assortis de commentaires désobligeants, l’association a dû s’excuser et interrompre cette campagne. Les dirigeants d’Im Tirtsu avaient oublié l’attachement des Israéliens à la liberté d’expression, à la contestation, et même à la polémique. Une des personnalités mise en cause, l’écrivain Amos Oz, avait d’ailleurs souligné que cet attachement n’était pas sans lien avec les caractéristiques de la pensée juive qu’il décrit ainsi : « une culture du doute et de la dispute, un jeu ouvert d’interprétations et de contre-interprétations, de réinterprétations, d’interprétations contradictoires … ».

Face à des démocrates imprégnés de cette noble tradition, on aimerait croire que le populisme à l’israélienne n’a pas encore gagné la partie. Ce serait oublier que pour nombre d’Israéliens, ces atteintes à la démocratie semblent dérisoires par rapport au danger islamiste qui menace l’Etat juif à quelques dizaines de kilomètres de Tel-Aviv.

Philippe Velilla

[1] Preuve de cette vitalité, la justice n'hésite pas à envoyer en prison les plus hauts responsables de l'Etat : l’ancien président de l’Etat Moshé Katsav a été condamné en 2011 à sept ans de prison pour viols et harcèlement sexuel. L’ancien Premier ministre Ehoud Olmert a été incarcéré en 2016 pour une période de 19 mois en raison de diverses inculpations pour corruption.

[2] On ne traitera pas ici de la situation des Droits de l’Homme dans les territoires occupés, sujet qui à lui seul justifierait une étude particulière, d’autant que le droit en vigueur au-delà de la Ligne Verte n’est pas celui applicable en Israël.

[3] Israël est un pays sans constitution, mais la Knesset a adopté douze lois fondamentales. La Cour suprême, pour annuler certaines lois, a également fait référence à des principes non écrits. Sur ces questions, voir les ouvrages du Pr Claude Klein, ainsi que sa présentation et sa traduction de l’article de l’ancien président de la Cour suprême, Aharon Barak : La révolution constitutionnelle : la protection des droits fondamentaux (Pouvoirs n° 72, 1994).

[4] Philippe Velilla, Israël « Etat juif » : les enjeux d’un adjectif, Diplomatie n°78, janvier-février 2016.

[5] Philippe Velilla, Les élections israéliennes du 17 juin 2015, vote de classe, vote ethnique et vote identitaire, Pouvoirs n° 156, janvier 2016.

[6] Parti nationaliste considéré comme proche du Hamas et du Hezbollah.

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Z
Comme toujours excellent article, Cher Philippe. Amitiés.<br /> Gérard
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Y
Excellent article. Merci Phillipe
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